Enfant et motricité
Qu'est ce q'une plagiocéphalie ?
La plagiocéphalie est une déformation du crâne, qui se présente alors sous une forme asymétrique en lui donnant un aspect oblique, et généralement avec un méplat postérieur.
Elle est dans l’immense majorité des cas positionnelle, et donc bénigne. Elle se développe chez le nourrisson, pour lequel le crâne est relativement souple et grandit particulièrement vite.
Elle peut s’accompagner de quelques compensations secondaires, à savoir l’avancée de l’oreille du même côté, éventuellement une avancée du frontal du même côté, l’élargissement du crâne et dans les cas les plus avancés une asymétrie faciale.
On parle de brachycéphalie lorsque la déformation à l’arrière du crâne est symétrique. Elle peut également s’accompagner d’un élargissement important du crâne, et d’une croissance atypique en hauteur.
Ces déformations postérieures concernent donc le crâne, mais ne limitent pas la croissance du périmètre crânien ; elles sont donc sans danger pour la croissance du cerveau de l’enfant.
A quoi sont dues les déformations postérieures du crâne ?
L’incidence des déformations postérieures du crâne s’est multipliée à partir des années 1990. Pour certains auteurs, cette augmentation pourrait être liée à la campagne « Dodo sur le dos », campagne qui a pourtant permis de diviser par 4 le nombre de décès par mort inattendue du nourrisson, et donc sauver en moyenne 900 vies par an. Pour d’autres, elle serait essentiellement liée à l’évolution de notre mode de vie : l’utilisation de sièges coques dans les voitures a notamment été rendu obligatoire dans ces mêmes années, et le matériel de puériculture y a connu un essor impressionnant.
En regardant de plus près les facteurs de risque, il en ressort :
- Des facteurs sur lesquels on ne peut pas agir : être un garçon, premier enfant, grossesse multiple, prématurité, pathologie qui influence l’activité motrice, bébé longtemps hospitalisé, retard des acquisitions motrices…
- Et d’autres qui sont au contraire facilement accessibles : torticolis, utilisation excessive de matériel de positionnement type cosy/transat/Doomoo/…, faible exposition au plat ventre et au côté à l’éveil, temps total passé sur le dos, alimentation au biberon…
Plagiocéphalie et brachycéphalie se dessinent donc comme étant des déformations liées à la fois à l’immobilité de l’enfant (bébé qui bouge peu spontanément de lui-même, ou bébé qui ne peut pas bouger à cause de son environnement) et à la surexposition au plat dos.
Comment les prévenir ?
Je limite les investissements dans le matériel de puériculture : fabricants et commerciaux vous font miroiter des objets confortables ou indispensables à votre enfant. A l’exception d’un dispositif règlementé en voiture, aucun autre matériel de puériculture n’est réellement nécessaire. Si leur utilisation avec parcimonie peut parfois être possible, l’investissement est en règle générale inutile et bien souvent inadapté. Ce matériel peut contraindre votre enfant et le maintenir dans une position limitant ses mouvements.
Bébé se construit sur ce qu’il ressent et ce qu’il découvre, dès les premières semaines de la grossesse mais ce sera encore plus vrai à votre retour à la maison. A chaque fois que vous changer sa position (allongé sur le dos, sur le ventre ou sur le côté), ses appuis sur son support évoluent, et ses sens s’éveilleront d’une façon différente pour multiplier les expériences sensorielles et motrices constructives.
A l’inverse, porter son enfant toujours de la même façon dans le même bras, par exemple, donne à son corps une forme unique qu’il se plaira à retrouver. C’est sur cette forme parfois asymétrique et en virgule qu’il apprendra à se développer… d’une façon également asymétrique.
Afin que bébé puisse s’épanouir aussi bien vers la droite que vers sa gauche, il est important qu’il puisse découvrir ces deux côtés. C’est à travers l’environnement qu’il lui est offert que bébé va grandir et se développer. Veillez donc à ce que les stimulations (sonores, lumineuses, olfactives, gustatives, tactiles ou encore vestibulaires) puissent se répartir d’un côté comme de l’autre tout au long de sa journée, y compris autour de son lit.
Les mesures qui vont prévenir la plagiocéphalie contribuent également à soutenir le développement sensoriel, moteur, cognitif et affectif de bébé.
Quelles sont les mesures pratiques que l’on peut prendre pour prévenir l’apparition d’une plagiocéphalie ?
J’évite le transat, le cosy ou tout autre dispositif de positionnement qui pourrait limiter la motricité de bébé (Doom…., Cooconabab….) : je les limite à 1h 30 par jour et je réserve le cosy aux transports en voiture uniquement. Je ne les utilise pas pour son sommeil.
Je préfère le tapis d’éveil, dès le premier mois de bébé, sur lequel il pourra bouger librement sa tête des deux côtés, et expérimenter d’autres positions horizontales (plat ventre, côté…). Je lui propose quelques jeux, éventuellement une arche d’éveil qui pourra être légèrement décalée sur un côté pour éviter de le surexposer au plat dos et l’inciter à rechercher les côtés.
Pendant les biberons, s’il y en a, j’alterne les bras et je fais attention à ce que bébé profite de ce moment pour tourner aussi bien la tête vers la droite que vers la gauche.
Pendant les changes, je profite de l’habillage pour lui faire découvrir un court instant le plat ventre. Pour l’aider à s’y sentir bien, je lui propose un soutien, en lui replaçant les coudes sous ses épaules qui faciliteront les appuis et la tenue de sa tête. Si besoin, j’ajoute l’une de mes mains ou un lange sous son thorax.
Je multiplie les temps de plat ventre dans la journée : les anglais parlent de « tummy time », qu’ils préconisent 3x10 minutes par jour. Si bébé ne tolère pas, je n’insiste pas pendant 10 minutes d’affilée (voir rubrique « Mon bébé n’aime pas le plat ventre »), mais je multiplie les occasions plus courtes pour lui faire découvrir et apprivoiser cette nouvelle position. La position à plat ventre sera indispensable à ses futurs déplacements au sol !
Pour mes rendez-vous ou autre déplacement, je privilégie lors des premiers mois les bras ou le portage en écharpe/porte-bébé à la poussette. Je préfère également poussettes ou nacelles dans lesquelles mon enfant peut être aussi bien allongé ou redressé, en fonction de son état d’éveil et de son tonus.
En sortant de la voiture, et notamment pour un RDV concernant mon enfant lors dusquel il sera de toute façon amené à se réveiller, je laisse le cosy dans la voiture pour le prendre dans les bras.
Je veille toujours à laisser les voies aériennes de mon enfant bien dégagées lorsque je l’installe dans un dispositif de portage, et je le garde « à portée de bisous » ; c’est-à-dire à hauteur de mon thorax (et non du ventre) et le visage aéré.
J’utilise ses sens (vue, ouïe, goût,. …) pour lui proposer régulièrement des temps d’interaction et de jeu. Ces temps sont essentiels à son bon développement et participeront également à créer du lien avec lui. Rechercher regard et voix l’inciteront à bouger sa tête et son corps.
La nuit, comment faire dormir bébé ?
« Dodo sur le dos », la règle ne change pas !
Inutile encore une fois d’investir dans du matériel inutile et dangereux : tours de lits, couvertures, oreillers et même cale-bébés sont un risque de mort inattendue du nourrisson. Vous trouverez plus de conseils de couchage et de prévention sur http://naitre-et-vivre.org/ressource-min/comment-coucher-votre-bebe.
On peut toutefois prévenir l’installation d’une position préférentielle vers un côté et l’installation progressive d’une plagiocéphalie à travers deux autres conseils :
J’alterne la position de sa tête au couchage, un jour vers la droite et l’autre vers la gauche. J’essaie de varier l’origine des stimulations sonores et lumineuses autour du lit, qui pourrait attirer bébé toujours du même côté. Pour m’aider, je peux placer les jours pairs la tête de mon enfant à la tête du lit, et les jours impairs au pied du lit.
Je peux surélever légèrement l’une de ses fesses, en repliant le surplus de la turbulette ou en y plaçant un petit doudou. Le but n’est surtout pas de placer bébé sur le côté mais seulement d’induire la rotation de sa tête vers un côté en surélevant la fesse opposée : surélever son bassin gauche le placera alors dans une position dite « asymétrique » vers la droite, dans laquelle la tête tournera plus spontanément vers la droite (et inversement).
Pour aller plus loin
Livres
- Michèle Forestier, De la naissance aux premiers pas (2018)
- Les livres de la collection 1001bb, éditions Eres
Articles
Cavalier et Picaud (2008). Prévention de la plagiocéphalie posturale. Archives de Pédiatrie, 15, S20‑S23. https://doi.org/10.1016/S0929-693X(08)73943-5
Cavalier, Ariane, Picot et al (2011) Prevention of deformational plagiocephaly in neonates. Early Human Development, 87(8), 537‑543. https://doi.org/10.1016/j.earlhumdev.2011.04.007
Patural, Harrewijn et al (2017) Désinformation concernant le couchage des nourrissons et la plagiocéphalie. Archives de Pédiatrie, 24:1057-1059. https://doi.org/10.1016/j.arcped.2017.08.020
Chevalier, Hay et al (2014). L'approche sensori-motrice dans la prise en charge des plagiocéphalies et des torticolis. Kinésithérapie Scientifique 2014;557:11-14.